Faut-il payer ses enfants ?
Il y a deux écoles : certains parents considèrent qu’il est légitime et profitable de donner un peu d’argent aux enfants lorsqu’ils s’occupent des corvées ou qu’ils se comportent bien, comme la tonte de la pelouse ou des bonnes notes à l’école. En agissant de cette manière, ils souhaitent valoriser leur travail et les motiver. D’autres préfèrent ne pas le faire. Ces parents souhaitent plutôt normaliser l’aide à la maison et la participation aux tâches domestiques, en les motivant d’une autre manière. A priori, ces deux approches semblent responsables… Alors, laquelle choisir ? Faut-il donner de l’argent à ses enfants pour les encourager ?
L’argent de poche : un cas à part
Avant toute chose, je souhaite ici éclaircir un point. Dans ce qui va suivre, je parle de rémunérer son enfant contre certaines tâches, corvées, aides à la maison, travaux en tout genre ou pour récompenser leur attitude ou leurs résultats… Je ne parle pas du problème de l’argent de poche.
L’argent de poche est une petite somme donnée, souvent à échéances fixes, sans condition ni contrepartie. Il s’agit là d’un sujet différent, que nous aurons certainement l’occasion d’aborder dans un prochain article et sur ma chaîne YouTube.
Une question de valeurs !
Que cela soit clair, je vais ici vous parler avant tout de mon expérience personnelle. Vous le savez peut-être, j’ai trois enfants, dont une fille déjà très grande. Je suis passée par tous les stades de l’éducation, et j’ai pu ainsi expérimenter plusieurs approches.
Avec mon expérience, il me semble que donner de l’argent à ses enfants pour encourager les bons comportements est avant tout une question de valeurs. Je me dois d’être franche avec vous : personnellement, je trouve cela assez triste de voir certains parents payer leurs enfants lorsqu’ils participent simplement aux tâches quotidiennes. Mettre et débarrasser la table, éplucher les légumes, ranger, vider le lave-vaisselle… Tout cela fait, selon moi, partie de la vie ! Il me semble incongru d’en faire une exception pour ses enfants en les rémunérant. Vos enfants, tout comme vous, font partie du foyer. Il est tout à fait normal qu’ils mettent la main à la pâte.
La générosité, le don, le partage sont des valeurs qui me parlent davantage. L’argent peut installer une relation un peu bizarre entre les parents et leurs enfants. Cela risque de leur mettre dans la tête qu’apporter son aide ne va pas de soi. Cela tend aussi à grossir certaines petites corvées qui ne sont, tout bien pesé, pas si difficiles à faire. N’en doutez pas : avec les bonnes méthodes, il est tout à fait possible d’obtenir l’aide de ses enfants, sans payer… ni crier !
Payer ce qui doit l’être
En revanche, il me semble plus normal, et même parfois bénéfique de rémunérer ses enfants pour toutes les tâches exceptionnelles, que nous payons habituellement. À mesure que les enfants grandissent, ces situations deviennent de plus en plus fréquentes : entretien du jardin, baby-sitting, bricolage…
Attention cependant, ces situations doivent rester exceptionnelles. En installant une relation d’argent avec ses enfants, on prend le risque de les voir réclamer un petit salaire pour tout et n’importe quoi !
Et pour l’école ? La question du mérite
Je sais que certains parents ont l’habitude de donner un peu d’argent à leurs enfants lorsqu’ils ont de bons résultats à l’école. Ils pensent que l’argent est un bon moteur, qui permet de motiver les enfants.
Et je parle en connaissance de cause ! Je connais très bien cette méthode, tout simplement parce que mon père l’appliquait. Il avait même créé un petit tableau très précis, dans lequel étaient inscrites les sommes que nous pouvions gagner suivant les notes et les appréciations que nous ramenions à la maison !
Cette méthode n’a jamais marché sur moi. Peu importaient les sommes promises, je suis restée… une mauvaise élève ! Pire encore, ce système de rétribution a généré chez moi le sentiment de ne pas « mériter ». Je n’étais pas une assez bonne élève, donc je ne méritais pas. Je garde un souvenir assez douloureux de tout cela. Donner de l’argent selon les résultats obtenus installe en profondeur une notion de « mérite » chez l’enfant : quand je travaille bien, je mérite de l’argent. Quand je ne travaille pas bien, je ne mérite pas. Bâtir la personnalité de l’enfant sur un tel système est susceptible d’ébranler sa confiance en soi et son estime personnelle.
Valoriser les « bons » comportements
Il arrive aussi que certains parents, pour encourager leurs enfants, donnent un peu d’argent lorsque le repas chez mamie s’est bien passé, qu’il n’y a pas eu de crise au supermarché…
Encore une fois, cela va installer une notion de mérite. Je suis sage, je mérite un cadeau. Je fais une colère, c’est mal, je ne mérite pas de récompense.
L’enfant enregistre l’information suivante : je suis sage, je suis digne d’amour, je fais une colère, je ne mérite pas l’affection. Est-ce bien ce que nous voulons transmettre ?
C’est vrai que notre société toute entière repose sur ce modèle, c’est celui de l’école. J’ai une bonne ou une mauvaise note en fonction de la tenue de mon cahier, des erreurs que j’ai commises et/ou de mon attitude en classe.
Ce système est selon moi à proscrire et les nouvelles études de neurosciences prouvent à quel point c’est inéficace.
L’échec fait partie de l’apprentissage et je crois qu’un enfant aura de meilleurs résultats s’il se sent encouragé et non pas jugé. Cette pratique revêt un caractère nocif pour l’enfant. Au lieu de trouver une motivation pour ce qu’il fait, l’enfant va chercher à plaire ou à obtenir une reconnaissance à l’extérieur. Il ne fait donc plus les choses pour se dépasser et réussir, mais pour faire plaisir, éviter une sanction ou obtenir une récompense. Sur le long terme, cela va lui faire perdre l’intérêt qu’il aura pour ce qu’il fera. Selon le Docteur Maria Montessori : « les récompenses sont l’esclavage de l’esprit », elles brident la passion, la créativité et l’envie de faire par plaisir.
Un exercice pour bien comprendre
Que se passe-t-il lorsque vous n’obtenez pas votre prime parce que votre direction juge que vous n’avez pas réussi à atteindre vos objectifs ?
Comment vous sentez-vous ?
Sur une échelle de 1 à 10, à quel niveau se situe votre degré d’estime et de confiance en vous ?
Sur une autre échelle de 1 à 10, quel est votre niveau de motivation à faire mieux la prochaine fois ?
Imaginez à présent que vous ayez réussi à faire quelque chose qui vous semblait insurmontable comme : repeindre une pièce ; remplacer un robinet ; faire de jolis et délicieux macarons ; boucler un projet d’envergure ; prendre un avion (vous êtes aérophobe).
Comment vous sentez-vous ?
Sur une échelle de 1 à 10, à quel niveau se situe votre degré d’estime et de confiance en vous ?
Sur une autre échelle de 1 à 10, quel est votre niveau de motivation à faire mieux la prochaine fois ?
Dites-moi dans les commentaires ce que vous avez retiré de cet exercice, j’adore vous lire !
Donner de l’argent à son enfant contre certaines tâches, c’est avant tout une question de valeurs. Il ne me semble pas bénéfique d’instaurer une relation d’argent avec ses enfants pour les tâches quotidiennes ni pour les motiver à l’école. Cela leur met dans la tête qu’apporter son aide à la maison n’est pas un comportement normal. Cela risque également d’ébranler leur confiance, leur estime personnelle et leur motivation. En revanche, il me semble assez bénéfique de rémunérer son enfant, devenu plus grand, lorsqu’il propose d’effectuer un véritable travail que nous aurions dû payer de toute façon. C’est un premier pas dans le monde du travail !
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