La chance existe-t-elle ?
Dans ce monde relatif qui gouverne nos vies, les événements se succèdent, apportant leurs lots de joies et de chagrins. Souvent imprévus, parfois irrationnels, nous avons vis-à-vis d’eux la fâcheuse habitude de les juger tour à tour « bons » ou « mauvais », « bien » ou « mal », « juste » ou « injuste ». Cette approche dichotomique de la chance et de la malchance influence notre vision du monde et nos choix. Mais sur quoi se fondent ces évaluations ? Comment pouvons-nous être certains de l’issue d’un événement ? Lorsque des événements difficiles surviennent, est-ce réellement de la malchance ?
Demain reste à construire
Voir sa chaudière tomber en panne alors que notre compte en banque est débiteur ne fait plaisir à personne. Notre esprit s’emballe et liste les conséquences de cet événement négatif, à la vitesse de la lumière ; ça commence par « la réparation va me coûter cher » et se termine par « adieu les vacances qui me tenaient tant à cœur ». Ce bain de pensées négatives, loin de nous apaiser, nourrit nos peurs et nos pires craintes et nous y avons d’autant plus recours que les situations gagnent en intensité dramatique. Si notre partenaire nous quitte, c’est l’effondrement, et nous sommes assaillis par les pires pensées. « Comment vivre sans lui ? Que va dire mon entourage ? Vais-je retrouver quelqu’un qui m’aimera vraiment ? » Même cas de figure en cas de perte d’emploi. Nous parvenons rapidement à la conclusion qu’il nous faudra longtemps avant de retrouver une situation stable et nous sommes capables de construire les pires scénarios autour de cette seule affirmation péremptoire. Cette capacité à passer d’un réel tangible à un futur imaginaire nous ferait presque oublier que tout ce qui est de l’ordre des intuitions et du ressenti n’est pas un fait qui attend que le temps fasse son œuvre pour s’accomplir. Alors, pourquoi systématiquement noircir le tableau ?
Nous ne sommes pas clairvoyants, quelle chance ! Comment pouvons-nous être à ce point catégorique ? Sur quoi se fondent ces craintes ?
Une révision pourrait à moindre coût constituer une solution immédiate et efficace. Brossons également le portrait de notre prochain partenaire amoureux. Puisque nous sommes dans une projection, imaginons qu’il nous apportera encore plus de satisfactions que le précédent. Quant à la perte d’emploi, n’est-ce pas l’occasion de donner vie à ce projet sans cesse repoussé faute de temps ? Nous sommes nombreux à considérer que nous devrions plus positiver. Pourtant, au moment où nous devons le faire, les pensées négatives nous rattrapent, et c’est finalement la situation elle-même que nous considérons comme négative. Pourtant, en alimentant nos pensées de manière positive, nous éloignons nos peurs et nous générons une énergie qui nous pousse à agir et réagir. Et, en étant dans une démarche active de recherche de solutions, nos actions positives finiront par donner des résultats, eux aussi, positifs. Évidemment, les événements difficiles restent très douloureux à vivre, et il est essentiel de s’accorder un temps d’acceptation. Mais il faut aussi veiller à ne pas se laisser envahir par l’inquiétude et la crainte. Nous avons tous autour de nous des exemples d’accidents de vie vécus par des personnes qui, après coup, affirment que la maladie qu’ils ont vaincue, le licenciement, la rupture ou le revers de fortune, qu’ils ont subis, représentent, à leurs yeux, la meilleure chose qui pouvait leur arriver. Cela nous prouve que la chance peut se cacher sous la forme d’un cadeau mal emballé que nous devons accepter de recevoir sans le juger sur son seul emballage. Autrement dit, croire en sa chance, c’est dire « OUI » à la vie, et accepter de jouer avec les cartes qu’elle met entre nos mains.
Pour aller plus loin…
Un conte taoïste
« Il était une fois, dans un village, un homme très pauvre qui avait un très beau cheval. Le cheval était si beau que les seigneurs du château voulaient le lui acheter, mais il refusait toujours.
– « Pour moi ce cheval n’est pas un animal, c’est un ami. Comment voulez-vous vendre un ami ? » demandait-il.
Un matin, il se rend à l’étable et le cheval n’est plus là.
Tous les villageois lui disent : « On te l’avait bien dit ! Tu aurais mieux de le vendre. Maintenant, on te l’a volé… quel malchance ! ». Le vieil homme répond : « Chance, malchance, qui peut le dire ? ».
Tout le monde se moque de lui. Mais 15 jours plus tard, le cheval revient, avec toute une horde de chevaux sauvages. Il s’était échappé, avait séduit une belle jument et rentrait avec le reste de la horde. – « Quelle chance ! » disent les villageois.
Le vieil homme et son fils se mettent au dressage des chevaux sauvages. Mais une semaine plus tard, son fils se casse une jambe à l’entraînement. – « Quelle malchance ! » disent ses amis.
– « Comment vas-tu faire, toi qui est déjà si pauvre, si ton fils, ton seul support, ne peut plus t’aider ! ».
Le vieil homme répond « Chance, malchance, qui peut le dire ? ».
Quelques temps plus tard, l’armée du seigneur du pays arrive dans le village, et enrôle de force tous les jeunes gens disponibles.
Tous… sauf le fils du vieil homme, qui a sa jambe cassée.
– « Quelle chance tu as, tous nos enfants sont partis à la guerre, et toi tu es le seul à garder avec toi ton fils. Les nôtres vont peut-être se faire tuer… ». Le vieil homme répond « Chance, malchance, qui peut le dire ? ».
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