Le danger de publier des photos sur internet
Publier des photos sur Internet, y compris sur un compte privé, est une pratique tout à fait courante aujourd’hui et de plus en plus fréquente : 53 % des parents ont déjà publié des photos de leurs enfants. Chez les jeunes parents, cette pratique s’est amplifiée. On commence même dès la conception : on se montre soi-même enceinte et on fait suivre le parcours de sa grossesse, puis la naissance de l’enfant et tous les moments importants. Finalement, vouloir partager un peu du quotidien, parce qu’on est fier de son enfant, parce qu’on est heureux d’être parent, est-ce mal ? Surtout quand, en plus, c’est sur des comptes très privés ? Mais cela peut être aussi sur des comptes totalement publics. En quoi est-ce dangereux ? Aujourd’hui, il y a une mauvaise, voire une méconnaissance, des dangers qui guettent vos enfants.
Je fais cette vidéo en collaboration avec l’association Caméléon, qui a diffusé un film que vous avez peut-être vu à Paris, dans le métro, où vous avez vu des affiches dans le métro parisien. Ce spot est également passé à la télévision et dans beaucoup de parutions presse sur ce sujet. Dans cette vidéo, il est très choquant de voir cette maman qui distribue des photos de ses enfants à des inconnus et qui donne des détails sur leurs activités et où elles se déroulent. Quel est le rapport entre cette vidéo et les photos que vous publiez ? Alors, je vous propose une petite synthèse de cette vidéo qui a été inspirée par Églantine Cami (que je remercie) et qui fait partie de l’association Caméléon. Je vous précise d’ailleurs que je suis au conseil d’administration de cette association, car donner de mon temps pour ce genre de cause donne beaucoup de sens à mon travail et à ma vie avant tout, en cohérence avec mon travail auprès des parents. Caméléon est une association qui œuvre contre les violences faites aux enfants, en France, en Suisse, aux Philippines et dans plein d’autres endroits.
Pourquoi cela semble-t-il moins choquant sur les réseaux sociaux ? En fait, on ne se rend pas compte. Je vais donc vous donner plusieurs points de réflexion et j’espère que cela va faire évoluer votre conscience et votre façon de transmettre sur les réseaux sociaux.
1. Les risques
Premièrement, les risques : il y a tout d’abord le *sharenting*. Qu’est-ce que c’est ? C’est le partage d’images diffusées sur Internet. À partir du moment où vous mettez quelque chose sur les réseaux sociaux, cette photo, vous ne savez pas où elle ira ni qui va la regarder. Même dans la sphère privée, vous n’êtes pas plus à l’abri qu’ailleurs — je vous en parle tout à l’heure. Le risque est que cette photo-là donne énormément d’indications à des prédateurs sexuels. Je ne sais pas si vous connaissez les chiffres, mais on pense souvent que les prédateurs sexuels sont des personnes un peu bizarres, peu éduquées, qu’on reconnaîtrait parce qu’elles n’ont pas l’air nettes. Mais pas du tout : un prédateur sexuel peut être monsieur tout le monde. Aujourd’hui, dans le dark web, il y a énormément d’activités. Cela a facilité leur travail, puisque les parents fournissent des tas d’images.
On pourrait penser : « Moi, je ne montrerai jamais mon enfant en maillot de bain ou tout nu. » Sachez qu’un bébé tout nu, pour certains pédophiles, c’est déjà suffisant. Cela peut paraître très étrange pour ceux qui n’ont pas ces travers, mais oui, une photo d’un bébé peut être excitante pour eux. En fait, même une petite fille habillée tout à fait correctement peut être sexualisée. Églantine raconte qu’on a trouvé, dans des banques d’échange de pédocriminels, des personnes cherchant à élire « la petite fille la plus jolie », « la plus sexy ». Vos enfants, donc, peuvent voir leurs photos détournées : on peut utiliser leur visage, le coller sur un corps nu ou même l’intégrer dans une vidéo animée, ce qui est horrifiant. Aucun parent n’aimerait voir les photos de ses enfants circuler dans le dark web.
Cela va encore plus loin : des informations peuvent être obtenues à partir des photos. Avec les IA actuelles, on est capable de savoir où une photo a été prise, souvent même dans quelle ville, quelle rue. Par exemple, quand on poste une photo de son enfant à la sortie de l’école, des prédateurs sexuels peuvent potentiellement identifier l’école. Dans le clip que vous venez de voir, une mère dit que sa fille fait de la danse « là-bas, pas très loin », en donnant le nom de la rue. Sur une photo, parfois on peut voir le nom de la rue ou reconnaître un endroit, comme une boulangerie identifiable. Il ne faut pas minimiser l’importance de l’Intelligence Artificielle ni ce qu’elle est capable de faire. Certains influenceurs ont même été agressés chez eux parce que, à force de poster des photos de leurs activités, des personnes ont réussi à trouver leur adresse.
Cela donne des indications supplémentaires aux prédateurs : si vous publiez des photos de votre enfant aimant le judo ou la danse classique, certains essaieront d’entrer en contact avec lui. Cela concerne surtout les enfants ayant déjà des téléphones et des réseaux sociaux. Le prédateur sexuel ne va pas arriver directement en demandant « où habites-tu ? » Il se fait passer pour un « copain », discute, utilise la même communication, la même façon de s’intéresser aux goûts de l’enfant. Peu à peu, il établit une relation de confiance, puis commence à poser des questions plus personnelles, jusqu’à éventuellement proposer un rendez-vous.
Pour illustrer cela, je vais vous raconter une histoire, bien avant l’avènement des réseaux sociaux. À l’époque de Messenger, ma fille aînée, qui a 31 ans aujourd’hui, avait une douzaine d’années. Un jour, elle me dit : « Le copain avec qui je parle a 38 ans. » J’ai paniqué en réalisant cela, et, en lisant les échanges, j’ai vu qu’il avait commencé en parlant de centres d’intérêt communs. Heureusement, ma fille n’avait donné aucune information personnelle. Mais cela montre que déjà, sans réseaux sociaux, cela pouvait arriver. Donc, aujourd’hui, c’est encore plus facile d’atteindre nos enfants. Quoi que vous en pensiez, je sais qu’on ne se méfie pas assez. Alors, bien sûr, il ne faut pas commencer à rentrer dans une psychose, évidemment, mais soyez tout de même prudent, il faut juste être vigilant. Je vais vous donner des solutions à la fin de cette vidéo, mais il faut quand même être conscient des dangers qui guettent vos enfants.
Quant à ceux qui me diraient : « Oui, mais moi je ne poste que sur des réseaux privés », comment pouvez-vous être sûrs qu’il n’y a pas de prédateurs sexuels autour de vous ? Il faut savoir qu’un chiffre donne la chair de poule : la plupart des enfants agressés sexuellement le sont dans le cadre de leur entourage. Ce sont des amis de la famille, parfois même des pères. Voilà, cela peut être quelqu’un de très, très proche de vous en fait, mais vous ne le savez pas. Donc, poster des photos de vos enfants, c’est permettre à un prédateur de peut-être… voilà, les utiliser pour les transmettre à d’autres personnes, sur le Dark Web, par exemple.
Croire que, parce qu’on en a parlé à son enfant, parce qu’on l’a averti des dangers, tout va bien se passer… là aussi, ne croyez pas cela. Votre enfant, au cerveau immature, n’est pas en capacité de détecter un prédateur sexuel, absolument pas. Les enfants ont des idées qui sont souvent saugrenues, et ils s’arrêtent sur des détails sans importance, alors que les prédateurs sexuels savent très bien comment se faire passer pour des enfants. Donc, l’enfant n’est pas capable de deviner que cette personne n’est pas un enfant qui communique avec lui.
Et évidemment, quand on est prédateur sexuel, on va dans tous les endroits où il y a des enfants. Oui, on va les traquer sur des terrains où il y a déjà des proies faciles ; c’est ainsi qu’on retrouve des prédateurs sexuels sur les jeux en ligne, sur les réseaux sociaux, partout où il y a des jeunes.
Par ailleurs, même si votre enfant reçoit des messages bizarres de la part de quelqu’un, la plupart du temps, dans les études réalisées, les enfants n’en parlent pas pour plusieurs raisons. La première, c’est qu’ils ont peur qu’on leur dise que c’est de leur faute, par exemple. Ils ont aussi peur qu’on leur interdise les réseaux sociaux ou les jeux en ligne, et qu’on leur dise de ne plus jamais y retourner. Ils ont peur également qu’on les accuse d’avoir provoqué cela. Résultat : souvent, ils restent silencieux et ne disent rien, et malheureusement, cela ne fait qu’aider le prédateur à tisser davantage sa toile.
Il faut savoir que, depuis le mois de février 2024, une loi protège vos enfants et encadre la diffusion des images d’eux. À leur majorité, ils pourront même vous poursuivre en justice pour faire retirer certaines images. Le but n’est pas d’en arriver là et de se fâcher avec vos enfants ; mais lorsque le législateur met quelque chose en place, c’est qu’il y a véritablement des dangers auxquels vos enfants sont exposés. Diffuser l’image de son enfant n’est pas anodin, même si, encore une fois, je ne cherche pas à vous culpabiliser. Je comprends que, parce que vous êtes fier, vous avez envie de partager des photos de vos petits loulous, ou des moments de votre vie avec eux. C’est tout à fait normal et humain.
Néanmoins, il faut simplement être conscient de ce que l’on fait, au moment où on le fait. Tant qu’on n’en est pas conscient, c’est comme quand les ceintures de sécurité n’étaient pas obligatoires en voiture ; on ne se rendait pas compte de l’impact. Aujourd’hui, on le sait et on ne le fait plus.
Les solutions
Alors, quelles solutions ? Déjà, je dirais de flouter le visage de vos enfants ou de prendre des photos lorsqu’ils sont de dos. Finalement, vous pouvez partager un moment de la vie de votre enfant sans forcément le montrer clairement. Beaucoup de parents mettent un smiley sur le visage de leurs enfants, ou prennent des photos de dos, de profil, ou de trois-quarts ; cela évite bien des soucis. Évitez aussi les photos en maillot de bain, en train de manger une glace ou une sucette, ou torse nu, ou encore dans des tenues très légères : ces photos sont souvent suggestives pour les prédateurs sexuels, qui en sont très friands.
Enfin, pour votre sécurité et celle de votre enfant, évitez de prendre des photos qui permettent d’identifier où vous vous trouvez, sauf si c’est ponctuel. Par exemple, si vous faites une sortie à Disney, poster une photo est sans risque puisque tout le monde sait que vous êtes à Disneyland ; on ne pourra pas vous retrouver après la photo. Je ne crois pas que vous viviez dans le château de Mickey !
Voilà pour tout cela ! J’espère que cette vidéo vous a plu, qu’elle vous a apporté un autre éclairage sur la question. Si vous avez aimé, n’hésitez pas à me le faire savoir ! Je vous encourage à visiter le site de l’association Caméléon, où vous trouverez beaucoup d’informations sur le grooming, le sharenting, et toutes les pratiques utilisées par les prédateurs sexuels.
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