Gérer les disputes entre enfants

Imaginez que, dans votre entreprise, votre responsable règle systématiquement les conflits de manière arbitraire et accorde sa faveur à l’une ou l’autre des parties sans chercher à comprendre ?  Imaginez encore que votre conjoint donne systématiquement raison à sa mère du fait qu’elle soit plus âgée que vous !

Quels sentiments éprouveriez-vous ? Pensez-vous que vous pourriez conserver votre calme dans de telles circonstances? Ce sentiment d’injustice ne risque-t-il pas de faire naitre du ressentiment vis-à-vis de l’autre même si celui-ci n’y est pour rien ? Comment seront vos relations à cet autre s’il était régulièrement privilégié, pensez-vous que cela sera favorable à l’apaisement des tensions entre vous ?

C’est pourtant, ce que nous avons tendance à faire lorsque deux enfants se disputent…

Se retenir de prendre parti

Pour gérer les conflits entre enfants, mieux vaut éviter de prendre parti. Même si nous trouvons scandaleux que Léo ait pu taper Clara pour une histoire de cubes, nous ne savons pas ce que Clara a fait auparavant pour que Léo en arrive à ce stade d’énervement.

Comment aider nos enfants lorsque nous-mêmes, nous n’avons pas appris à juguler nos propres émotions ?
Certes, les gestes violents ne sont jamais un bon moyen pour résoudre un problème et il conviendra de le rappeler jusqu’à ce que l’enfant l’ait intégré. Mais ce n’est pas parce que Léo n’a pas réussi à retenir son geste que Clara n’a pas sa part de responsabilité dans le conflit. Avoir le coupable sous la main n’exclut pas d’écouter ce qu’ils ont à nous dire (y compris Léo qui n’a malheureusement pas su se contrôler). Et même si Clara est un bébé innocent, le fait que Léo s’en prenne à elle ne signifie pas qu’il est « méchant » et encore moins « jaloux ». La violence est pour Léo, comme pour de nombreux enfants (et même parfois des adultes), un moyen (mal choisi) pour exprimer une frustration. À nous de l’aider à en trouver un autre et ce n’est certainement pas en le culpabilisant ou en le blâmant que nous l’aiderons.

Plus nos enfants sont petits et moins ils sont capables de gérer les émotions qui les traversent. En  effet, leur cerveau gauche n’est pas assez développé et ne le sera entièrement qu’à 25 ans ! C’est la raison pour laquelle nous devons nous retenir de les juger s’ils tapent ou s’ils ne maîtrisent pas leurs discours lorsqu’ils sont en colère. Ne vaut-il pas mieux leur répéter inlassablement (sans violence physique ni verbale) qu’ils ont le droit d’être en colère en les aidant à l’extérioriser différemment ? C’est un apprentissage qui nécessite de la patience du fait de l’immaturité de leur cerveau d’une part, mais aussi – et même surtout – de notre capacité en tant que parents à les accompagner dans cette acquisition, d’autre part. Car, comment aider nos enfants lorsque nous-mêmes, nous n’avons pas appris à juguler nos propres émotions ?

Face aux colères, aux peurs ou aux chagrins qui nous semblent souvent disproportionnés, comment réagissons-nous ? Il est aisé de se figurer que les enfants sont capricieux ou qu’ils ont mauvais caractère ou encore que « leur mère les écoute trop » ou que « papa laisse tout passer », alors que c’est juste parce qu’ils ne peuvent pas physiologiquement se contenir.

Écouter

Nous pouvons essayer de rester neutres, de nous mettre à la hauteur de nos enfants et d’écouter ce qu’ils ont à nous dire. L’objectif étant de les encourager à s’écouter les uns les autres, les uns après les autres, pour enfin les accompagner à trouver un compromis.

Le plus important ne sera pas tant de les écouter que de leur monter que nous les comprenons. « Comme tu as dû être frustré quand elle t’a dit que tu étais méchant » ou encore « A ta place, je me serai mis en colère moi aussi ». Plus l’enfant est compris et plus il sera ouvert au dialogue.

Bien sûr, nous pouvons les séparer physiquement si nous sentons que le ton monte et que les coups sont imminents (ou déjà échangés) et reporter le temps d’échange et d’écoute. « Je vois que vous n’êtes pas en mesure de vous écouter pour le moment, alors je préfère vous séparer afin que l’on puisse en rediscuter calmement plus tard. »

Le plus important ne sera pas tant de les écouter que de leur montrer que nous les comprenons.
Ensuite, décrivons objectivement le problème « deux enfants se disputent pour un camion, que pouvons-nous faire ? » « Qu’est-ce qui s’est passé Léo ? » « Et toi, Clara, qu’en dis-tu ? »

Le but sera toujours de les aider en accueillant leurs sentiments et en les accompagnant dans la recherche de leurs besoins :

  • Qu’as-tu ressenti lorsque Clara n’a pas voulu te rendre ton camion ?
  • Lorsque tu l’as frappé, avais-tu l’intention de lui faire du mal ?
  • Qu’attendais-tu de ce geste ?
  • Penses-tu que ce soit la solution ?
  • Qu’est ce que tu aurais pu faire à la place ?

Ou encore, incitez-le à exprimer les raisons de son état.

  • « Tu es triste ?
    • Oui, il ne veut pas jouer avec moi …
  • Tu voulais quelqu’un pour jouer avec toi ?
    • Oui »

Ces questionnements vont les aider à trouver eux-mêmes les solutions et à s’en souvenir pour que peu à peu ils réalisent qu’ils possèdent des ressources pour gérer eux-mêmes leurs conflits.

Il est commun de se voir choisir un camp, car les arguments avancés par nos enfants peuvent, à nos yeux d’adulte, nous paraître complètement ridicules et dénués de sens.  Pourtant, quels bénéfices nos enfants peuvent tirer de nos jugements habituels : « c’est ridicule de faire une crise pour la couleur d’une voiture !

Lorsque nous prenons parti, nous alimentons le mythe de la victime et de son bourreau, de quoi attiser davantage les flammes de la violence.
L’idéal lorsque nous entendons nos enfants se disputer sera toujours de ne pas intervenir, de laisser faire même si notre tentation est grande de vouloir nous interposer. Vous constaterez que dans la majorité des cas, les problèmes se résolvent d’eux-mêmes. Vous ne serez pas toujours là pour les aider, dans la cour de récréation, il faudra bien qu’ils sachent se débrouiller sans vous ! En leur permettant de se disputer, vous leur offrez également l’opportunité d’apprendre à gérer eux-mêmes leurs relations aux autres.

La bonne nouvelle, c’est qu’en cessant de nous immiscer dans les disputes de nos enfants, nous augmentons les chances de voir les conflits diminuer en intensité et en violence, voire disparaître puisqu’aucune tension n’aura été créée ou renforcée par des propos blessants. L’enfant intégrera rapidement que c’est normal qu’il y ait des conflits, mais également que cela peut se régler en communiquant. Il abandonnera l’idée que cela puisse être de la faute de quelqu’un. Les étiquettes ( je ne suis pas gentil ), ou l’autre (ma sœur méchante) forment ce qu’ils croient être leur caractère, car lorsque nous prenons-parti, nous alimentons le mythe de la victime et de son bourreau, de quoi attiser davantage les flammes de la violence.

Circonstances particulières

Parfois, il nous semble que toutes les conditions sont réunies pour que tout se passe bien et pourtant rien ne se déroule comme nous l’avions espéré. Ne remettons pas en cause tout ce que nous avons mis en place jusqu’à maintenant. Demandons-nous plutôt si ce jour-là, un de nos enfants n’a pas un besoin particulier qui ne serait pas comblé ? Un besoin de sommeil, de repos ou encore de se défouler après une grosse journée d’école ? Un besoin d’attention parce que nous étions assez absents ces derniers jours ? Le jeu est un excellent moyen pour les aider à décharger un trop-plein d’émotions refoulées : un jeu de chahut comme une bataille d’oreillers ou un faux combat sur le lit…

Si vous ne parvenez pas à identifier le besoin de votre enfant, le dessin est très efficace. Asseyez-vous près de lui donnez lui la règle du jeu. Chacun de vous va dessiner la journée d’un personnage de son choix. Une fois que vous aurez terminé tous les deux, vous commencerez en lui racontant ce que vous avez représenté sur votre dessin. Vous débuterez par les frustrations et contrariétés (trouvez en quelques-unes c’est important) puis par les choses positive. Surtout, pensez à décrire l’état émotionnel du personnage à chacun des faits évoqués. Puis, vous l’inviterez  à en faire autant. Votre enfant pourra ainsi vous exprimer ses émotions et ses frustrations. Soyez certains que même si le personnage est une fille qui vit dans la savane et que vous habitez avec votre fils dans un immeuble au milieu d’une grande ville, ce sera bien son histoire à lui que vous entendrez.

Quand c’est plus fort que soi…

Parfois, ce qui nous empêche de trouver les ressources pour gérer les disputes de nos enfants vient du fait que nous sommes systématiquement envahis nous-mêmes par des émotions dès que nous entendons le premier son d’un conflit naissant. Tout à coup, nous sommes totalement paralysés ou submergés et les solutions –que pourtant nous connaissons par cœur – ne peuvent être utilisées. C’est plus fort que soi ! Nous sommes en réaction, incapables de nous contrôler nous-mêmes. Notre frustration emporte tout. Nous rêvions, pour une fois, de regarder un film tranquillement ou de nous reposer dix minutes, mais nos enfants en ont décidé autrement. Notre colère monte, les cris et les insultes fusent… Peut-être avons-nous besoin de tranquillité et de temps pour nous ? Écoutons nos premiers signes de colère qui nous signalent un besoin non comblé. Si nous avons la possibilité d’alterner entre mari et femme, profitons-en pour nous isoler, lire un livre, regarder une vidéo tranquillement ou bien encore méditer. Proposons à d’autres parents de jeunes enfants d’échanger quelques heures en prenant leurs enfants et inversement. Lorsque cela arrive, il est vain de vouloir gérer les crises de nos enfants alors même que nous avons tant de mal à juguler notre propre comportement. Une prise de recul et un travail sur soi s’imposent.

Les disputes de nos enfants peuvent également nous renvoyer à un passé douloureux ou à un schéma familial où le conflit et la violence étaient habituels.
Cherchez en vous le besoin non comblé qui vous empêche d’accepter et de gérer sereinement la situation. Vous n’êtes pas moins bon pour gérer les conflits que les autres parents et vos enfants ne sont pas pires que les autres. Seulement vous n’êtes peut-être pas émotionnellement disponible c’est ce qui court-circuite pour l’instant votre inventivité.

Les disputes de nos enfants peuvent également nous renvoyer à un passé douloureux (injustice vécue entre frères et sœurs par exemple) ou à un schéma familial où le conflit et la violence étaient habituels. Certaines blessures affectives peuvent être réactivées par chaque dispute enfantine. C’est pourquoi il est peut-être temps pour vous de vous accorder l’aide dont vous avez besoin.

Renoncer à un idéal

Lorsque l’on a des enfants, le rythme de notre vie est forcément perturbé. Cela peut paraître une évidence et pourtant, nous avions dit à notre entourage « moi, je ne me laisserai pas envahir par mes enfants, ce n’est en aucun cas à eux de dicter les règles à la maison… pas question de se laisser déborder ! » Or, il n’existe pas de vie parentale sans liberté restreinte. Même s’il ne s’agit pas de s’oublier complètement en laissant toute la place au règne des enfants, il convient de reconnaître que la vie ne sera plus comme avant et que comme pour tout le monde, les enfants prennent une grande place dans le rythme quotidien. Plus vite nous accepterons de nous être trompés, et plus vite l’harmonie familiale reviendra. Plus nous résistons en souhaitant tout contrôler et plus nos enfants mettront le doigt là où ça fait mal !

Avoir raison ou être heureux ? Il appartient à chacun de connaitre ses limites et de les respecter et en même temps d’accepter de renoncer à certains plaisirs et libertés quotidiens de la « vie sans enfant ». Ceci n’est que temporaire. Nous pouvons apprécier le moment présent. Lorsque nos enfants seront partis de la maison, nous regretterons tout ce bruit et tout ce bazar qui nous agacent tant fades…

La solution se trouve très souvent à l’intérieur de nous. Comme l’a dit le sage Gandhi « Soyons le changement que nous vouloir voir dans le monde. » et nous, soyons le changement que nous voulons voir dans notre famille.

N’essayons pas de changer nos enfants. Si nous comblons nos besoins et si nous guérissons nos blessures, nous évoluerons inévitablement et notre environnement se modifiera. Les enfants se disputeront toujours, mais nous n’appréhenderons plus leurs conflits de la même façon. Au fur et à mesure, ils deviendront moins fréquents et moins violents. C’est un cercle vertueux. Plus nous nous apaisons et plus notre entourage s’apaise à son tour.

2 réponses
  1. Dahi
    Dahi dit :

    Un grand merci à vous ! Je crois que c’est la première fois que je lis et que j’écoute du CONRET en parentalité positive !! J’ai hâte de voir votre chaine !
    Bien à vous

    Répondre

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