Peut-on vraiment se passer de crier ou de frapper notre enfant ?

À en lire les gros titres de la presse et des magazines, la fessée devient de moins en moins populaire ; elle a même failli être interdite en France et c’est déjà le cas dans de nombreux pays européens et dans le monde. Nous essayons donc de ne pas trop l’utiliser, mais il faut bien reconnaitre que parfois une gifle est inévitable, non ? Et puis, ayant été élevé avec des claques, il faut bien reconnaitre que nous n’en sommes pas morts après tout !

Ce discours utilisé si couramment serait-il faux ? Et puis critiquer, c’est bien, mais comment faire autrement ? Devons-nous laisser passer les bêtises les plus graves et se laisser insulter ? N’est-ce pas inquiétant pour l’avenir de notre société ?

Oublier les punitions corporelles

La plupart d’entre nous avons connu les châtiments corporels, gifles, fessées, mais aussi menaces, punitions, chantages, cris… et il faut bien reconnaître que nous n’en sommes pas morts enfin, pas au sens propre du terme.

Il me semble utile de rappeler qu’aujourd’hui, en France, deux enfants par jour meurent encore sous les coups ou les mauvais traitements de leurs parents.

Et même si ces conséquences restent des exceptions, dans la majorité des cas, fort heureusement, la situation n’est pas comparable. Il faut dire que beaucoup d’entre nous restent marqués inconsciemment et viscéralement par les vieux schémas de répétitions, finalement nous ne sommes pas libres d’agir et de parler comme bon nous semble par peur d’hypothétiques représailles.

Lorsqu’ils sont tout petits, les éléphanteaux sont attachés à un poteau. Bien entendu, cela ne leur plait guère alors ils essayent de tirer de toutes leurs forces pour se libérer, en vain. Puis, un jour, de guerre lasse ils renoncent. Lorsqu’ils grandissent, le poteau auquel ils sont attachés est le même, pourtant le taille et le poids des éléphants ont eux, bien évolué. Ils ne leur faudrait pas beaucoup d’effort pour venir à bout de ce bout de corde et de ce poteau. Pourtant,  les éléphants restent persuadés qu’ils ne peuvent pas s’enfuir. Ils ont enregistré une information qui dit : « n’essaye même pas ».

Ce qui est vrai pour ces éléphants l’est aussi pour nous en terme de conditionnements. Nous n’essayons pas toujours d’enfreindre des règles inculquées par les générations qui nous ont précédées. Pourquoi ? Par peurs et elles sont nombreuses : par fidélité, par peur du changement, du regard des autres… Nous avons parfois admis que nos parents avaient raison et nous n’osons pas dicter nos propres règles surtout si elles vont à l’encontre de l’ordre établi. Il ne s’agit pas de prôner l’anarchisme. Mais de compter les « ça ne se fait pas », les croyances ou les interdits que nous nous imposons.

La plupart d’entre nous ne font pas les choses en fonction de nos besoins, mais  surtout pour obtenir l’amour et la reconnaissance des autres.
Ça ne se fait pas d’arriver en retard.

Ça ne se fait pas de recevoir du monde dans une maison mal rangée.

Ça ne se fait pas d’arriver chez quelqu’un les mains vides.

Ça ne se fait pas de dire non…  y compris si vous avez atteint vos limites ?

Ça ne se fait pas de couper la parole à quelqu’un… y compris s’il vous insulte ?

Ça ne se fait pas de désobéir… y compris s’il s’agit d’un ordre particulièrement malveillant envers autrui ?

La punition corporelle est la preuve pour l’enfant de l’amour « conditionnel » de ses parents pour lui : « Tu fais bien, tu ranges, tu apprends, tu es sage, tu obéis à n’importe quel ordre alors je t’aime et tu mérites mon attention. » C’est ainsi que plus tard, les adultes que nous sommes reproduiront le contexte de notre enfance. La plupart d’entre nous ne font pas les choses en fonction de nos besoins, de nos désirs, de nos ressentis ou de nos aspirations, mais  surtout pour obtenir l’amour et la reconnaissance des autres.

Non seulement la punition est blessante et humiliante, mais également inefficace sur le long terme

C’est en inversant le cours des choses que l’enfant peut accepter de coopérer. C’est en l’aimant inconditionnellement, quelles que soient ses bêtises, ses erreurs, ses colères qu’il acceptera de nous écouter et de coopérer.

Comme l’indique Isabelle Filliozat, c’est en remplissant le réservoir affectif de l’enfant que celui-ci peut avancer. Rien ne sert de programmer son GPS pour lui demander d’aller à Paris si vous ne lui remplissez pas son réservoir d’essence.

Les enfants sont naturellement bons et empathiques, en cherchant à comprendre les raisons qui ont conduit l’enfant à faire ce geste, nous pouvons l’aider à trouver des options différentes.
En frappant notre enfant, nous lui apprenons également qu’être violent est une option pour obtenir ce que nous voulons en usant de la force et de l’autorité. En somme, pour résoudre ses problèmes on peut dominer par la violence. Est-ce vraiment ce que nous voulons pour le monde de demain ?

« Oui, mais il a volé quelque chose et il a menti. Je ne peux quand même pas le laisser devenir un voleur ! » 

Il est essentiel de faire comprendre aux enfants que certains gestes sont inacceptables car il est indispensable qu’ils puissent mesurer les conséquences de leurs actes, mais ne peut-on obtenir la même chose sans les punir ni les juger ?

Les enfants sont naturellement bons et empathiques, en cherchant à comprendre les raisons qui ont conduit l’enfant à faire ce geste, nous pouvons l’aider à trouver des options différentes. Un enfant sait très bien ressentir de la culpabilité pour ses gestes, il est inutile d’en rajouter, assurons-nous simplement qu’il ait pris la mesure des conséquences. Plus nous avons confiance en sa capacité à ne pas récidiver et moins il sera enclin à recommencer.

Arrêtons de faire la morale, ne donnons pas trop la leçon, essayons d’accueillir ses sentiments, de reformuler et de le faire parler pour qu’il reconnaisse lui-même ses torts et prenne conscience de ses actes.

Reconnaissons nos faux pas

« Il m’a répondu devant tout le monde, il a manqué de me faire tomber, je ne pouvais tout de même pas le laisser faire, il a reçu une gifle ! »

Avec nos yeux d’adulte, nous pouvons être totalement offusqués du comportement de nos enfants, d’autant plus que la société passe son temps à nous répéter que les enfants d’aujourd’hui sont très mal élevés. Nous pouvons être d’autant plus choqués que nous n’aurions jamais pu faire la moitié de ce qu’ils osent faire aujourd’hui sans recevoir de graves réprimandes ou des châtiments corporels. Notre cerveau d’enfant a bel et bien enregistré, à l’aide de coups si besoin, que des comportements similaires sont inadmissibles. Or, ce que ne savaient pas nos parents et nos grands-parents, c’est que les neurosciences ont désormais prouvé que les enfants ne sont pas capables physiquement de gérer leurs émotions comme les adultes.

Plus l’enfant contiendra longtemps ses émotions et plus forte sera la colère. Ce qui est difficile pour nous, c’est d’intégrer que plus nos enfants sont terribles, plus ils ont besoin de bienveillance, de tendresse et d’amour. S’ils se comportent mal, c’est parce qu’il manque de lien ou qu’un de leur besoin n’est pas comblé. Sinon tout ceci n’existerait pas.

Encore faut-il que « bien se comporter » veuille dire la même chose pour tous. Un enfant, ça bouge et ça fait inévitablement du bruit par exemple.

Et s’il est difficile de prendre dans ses bras un enfant qui nous insulte par exemple, nous pouvons simplement lui dire : « Je ne comprends pas ce qui se passe, tu ne me dirais jamais cela si tu n’étais pas dans un état émotionnel douloureux. Que se passe-t-il ? Pourquoi as-tu eu besoin de me dire ces mots-là ? De quoi avais-tu besoin ? » Nous pouvons juste essayer de nous rappeler et de traduire : lorsqu’un enfant nous dit « je ne t’aime plus maman » ou « tu n’es pas beau papa », cela signifie avec son langage d’enfant « je ne suis pas d’accord avec toi » ou « je suis triste ou trop déçue ». Reformulons avec lui et il apprendra à être plus précis plus rapidement.

Si un mauvais geste nous a échappé, il nous appartient de ne pas le nier et, dès que nous retrouvons notre calme, de reconnaitre que c’est bien son geste qui a déclenché notre colère, mais que ce n’est pas de sa faute, que nous n’aurions pas dû réagir comme ça et qu’il n’y est pour rien s’il a reçu une fessée.

Pensez à vous excuser, les enfants se croient responsables et se disent très facilement : « je suis un mauvais enfant, je ne fais que contrarier mes parents. » Ils ne savent pas dissocier ce qu’ils font et ce qu’ils sont. Alors, si en plus il entend ses parents dire : « C’est de ta faute si je me mets en colère » ou « Je ne crierai pas si tu m’obéissais » ou pire encore « il n’y a que les coups qui fonctionnent avec toi, je n’ai pas d’autres choix ! »

On peut continuer à donner des fessés, à crier et utiliser toutes les sanctions à notre disposition, mais posons-nous la question, n’y at il pas d’autres alternatives ? Souhaitons-nous obtenir la coopération ou la soumission de nos enfants ? Et comment pouvons-nous être contre les guerres et toutes les injustices de ce monde si nous ne parvenons pas à appliquer la non-violence sous notre propre toit ?

Pour en arriver là, il faut devenir un parent responsable. Car oui, nous sommes responsables de ne pas maîtriser notre colère. En aucun cas, un enfant ne mérite une punition corporelle. Si cela réveille de la violence en nous, nous sommes les seuls responsables et nous pouvons changer les choses dès lors que nous en prenons conscience.

Nos enfants réveillent bien souvent nos blessures et nos colères nous indiquent ce que nous avons à guérir. Ce n’est jamais de la faute de nos enfants si nous nous sommes emportés.

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