Mon enfant a peur que je meure
Le sujet de cette vidéo m’a été posté par Sandrine qui me dit la chose suivante : “bonjour madame le titre de votre mail d’aujourd’hui m’interpelle grandement car ma fille me demande tout le temps si je vais mourir. Je ne sais pas si c’est un manque de confiance en elle ou en moi. Avez-vous déjà enregistré une vidéo sur cette peur ? Je suis complètement désemparée. Je lui ai dit toutes les actions qu’elle pourrait mettre en place, qui contacter, qui s’occupera d’elle ensuite,… Rien n’y fait. Elle vient surveiller si je dors. Elle me réveille pour voir si je vis encore. Elle me dit qu’elle a peur et ça tous les soirs depuis deux ou trois semaines. Que faire ? Merci pour votre aide. Une maman qui a mal.”
Merci beaucoup Sandrine pour cette question. Ce que ne dit pas Sandrine c’est l’âge de son enfant. Parce que selon l’âge de l’enfant, la mort est plutôt quelque chose d’abstrait ou de concret. Dans le cas présent je suppose que l’enfant commence à comprendre ce qu’est la mort parce que pour un tout petit avant 6 ans mourir, c’est un peu comme dans les dessins animés : on s’endort puis on se relève. Souvent quand on annonce à un enfant que son papi ou que sa mamie est décédée il vous dit: “oui mais quand est-ce qu’il revient”. Cela montre le caractère abstrait de la mort pour les tout petits. Dans le cas de Sandrine, l’enfant a déjà pris conscience que la mort était quelque chose de définitif et que ça maman pouvait partir. Comment l’a t-elle su ? Il a dû se passer quelque chose dans la vie de cette petite fille. Soit à l’école quelqu’un a perdu quelqu’un d’autre et on lui a expliqué, soit elle a vu un film qui racontait ça. Mais vos enfants voient des tas de films qui mettent en scène des décès. Souvent on côtoie la mort dans les dessins animés, on voit les gens même mourir: la sorcière par exemple, etc. Mais ça reste abstrait.
Ce que dit Sandrine, et qui est très intéressant, c’est qu’elle a rassuré son enfant. En fait c’est une erreur. Rassurer l’enfant quand il a une crainte comme celle-là n’est pas la bonne méthode. En fait ce qu’attend votre enfant c’est de la sincérité. C’est qu’en fait on lui dise que oui c’est possible qu’on meure. Et d’écouter sa détresse, sa crainte. Première chose à faire, c’est de jouer les petits détectives. Première étape : essayer de comprendre ce qui lui fait peur, pourquoi elle pense que vous pourriez ne pas vous réveiller. Que s’est-il passé, qui lui en a parlé? Qu’a-t-elle comme information exactement? C’est peut-être un autre enfant qui lui a raconté qu’une maman ça pouvait s’endormir et ne plus jamais se réveiller parce qu’on lui a expliqué le décès de sa mamie par le fait qu’elle ne s’est pas réveillée. Il faut alors dire à notre enfant qu’il a une vision erronée de ce qu’est un décès. C’est vrai qu’une personne très âgée peut s’endormir et ne plus se réveiller, mais pour une maman en bonne santé ça n’arrive normalement pas. A moins de quelque chose de très rare, comme une rupture d’anévrisme. Mais c’est tellement rare que ça mérite d’être reprécisé à l’enfant.
Donc premièrement on écoute la peur de l’enfant pour essayer de comprendre ce qui nourrit cette peur et de quoi elle a peur plutôt que de lui apporter les réponses et de la rassurer avec des choses dont on ne sait pas si c’est ce qu’elle attend en fait. Quand on dit à l’enfant c’est untel qui s’occupera de toi, votre enfant ne sera pas rassuré parce qu’il va se dire que c’est vrai que quand vous allez mourir puisque vous avez déjà pensé à qui s’occuperait de lui, et ce n’est sans doute pas ce que votre enfant a envie d’entendre. Quand mes enfants m‘ont demandé si je pouvais mourir j’ai répondu : “bien sûr que je peux mourir mais il n’y a aucune raison pour que ça arrive, je suis en bonne santé physique”. L’enfant va retenir qu’il n’y a aucune raison pour que ça arrive. On peut même lui dire que lui aussi peut mourir. Ca ne les angoisse pas forcément plus. En fait, c’est nous qui sommes mal à l’aise avec le sujet. Quand les enfants abordent le sujet, quand ce sont eux qui sont en demande, c’est important d’en parler, de dire que les gens meurent et qu’il en meurent tout le temps, qu’ils soient jeunes ou vieux, que ce ne sont pas forcément les mamans qui partent, etc.
Donc la première chose à faire est vraiment d’écouter la peur, d’écouter ce qu’il y a derrière: ça te ferait quoi si je mourais? qu’est-ce qui t’inquiète en fait? qu’est-ce que tu te dis? qu’est-ce que tu penses? etc.
Ensuite une fois qu’on a bien écouté donc on a bien analysé parce d’où viennent toutes ces ces angoisses et ce qui les nourrit, on écoute sa peur. De quoi as-tu peur? Que pourrait-il se passer de pire? Qu’est-ce qui t’inquiète vraiment? Et on compatit complètement. Souvent les parents ont peur parce que vous vous dites que si vous entrez avec votre enfant dans sa peur, ça va être pire. En fait non, parce que la peur votre enfant est à l’intérieur de lui et quand il en parle il la sort. Et ça c’est fondamental parce que tant qu’on n’a pas trouvé une oreille qui peut entendre ce qu’on ressent alors on continue à avoir peur. Par exemple, si votre enfant a peur parce qu’il y a des monstres dans sa chambre, si vous lui dites que les monstres n’existent pas, ça ne le rassure pas vraiment. Alors que si vous lui dites: ah ouais il ressemble à quoi ton monstre? ouh là là il est vraiment effrayant ce monstre! Et après on amène la solution: et tu penses que ça existe vraiment des monstres comme ça? et peut-être qu’il est gentil finalement ce monstre là, qui t’a dit qu’il était méchant? comment tu peux le savoir? On démystifie, on vient un petit peu extraire la peur à l’intérieur de l’enfant pour la déposer là, la regarder comme il faut et voir ce que l’on en fait.
Et une fois qu’on a vraiment les peurs de l’enfant, on lui demande ce qui l’inquiète vraiment: est-ce que c’est là où il va vivre, est-ce que c’est de plus jamais me voir, est-ce que c’est de se sentir abandonné? Qu’est-ce qui l’inquiète vraiment? Et on peut dire: il y a aucune raison pour que ça arrive, je suis en bonne santé, ça n’arrive pas à des mamans en bonne santé, ça n’arrive quasiment jamais. Donc il y a très peu de chance pour que ça m’arrive là maintenant, … Et de toute façon si ça devait arriver, si je suis malade, je te le dirai à ce moment-là. Ce qui met l’enfant en confiance. Expliquez à votre enfant que ce n’est pas parce qu’il vous réveille la nuit qu’elle va empêcher que vous mourriez ou pas. Demandez-lui à quoi ça sert qu’il sache si vous êtes vivante ou pas au milieu de la nuit. Est que ça l’aide à aller mieux, est-ce que ça lui fait du bien, est-ce qu’il pense qu’ainsi vous allez toujours vous réveiller, que ça empêche que vous ne puissiez pas vous réveiller, qu’est-ce qui se passe pour lui quand il vient vous réveiller la nuit, …Posez des questions, sans pour autant apporter toutes les réponses. N’oubliez jamais que votre enfant n’attend pas nécessairement des réponses à ses questions. Il attend d’être écouté, entendu et compris et ça c’est fondamental.
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