Punir pour qu’ils coopèrent
Je réponds aujourd’hui à la question d’un papa, Captainpapabeltran qui a posté ceci sous une de mes vidéos :
“Merci Noémie pour tous ses conseils et ces exemples tout à fait concrets. Avec mes quatre enfants j’avoue que j’ai parfois du mal, des difficultés à les faire coopérer. J’utilise les conséquences négatives un peu trop à pas chaud et en étant énervé. Du coup ça marche moins bien que pour vous. Je pense qu’il est nécessaire de prendre un temps de réflexion pour ne pas réagir à chaud. Je vais essayer cela pour les prochaines fois.”
Petit récap sur les conséquences négatives. J’ai fait une vidéo sur ce sujet que je vous invite à aller regarder, je ne vais donc pas revenir là-dessus. En revanche, là où ce commentaire m’a interpellé c’est qu’effectivement ce papa dit: “et bien oui je donne des conséquences négatives à mes enfants quand ils outrepassent certaines règles ou qu’ils ne veulent pas coopérer; mais je le fais à chaud, c’est-à-dire en étant énervé; et d’un coup je dis bon bah tu n’as pas rangé ta chambre tu n’iras pas à l’anniversaire de ton copain. Tout à coup je pense que ça s’apparente plus à une punition. Quand on est énervé comme ça, on on n’a pas le temps de la réflexion.” Ce n’est pas tout à fait ce qu’il dit mais j’imagine.
Alors comment fait-on ? Parce que c’est difficile de s'empêcher d’être à chaud et énervé, et il faut bien faire quelque chose.En réalité, on ne sort pas une conséquence négative comme ça. Imaginez-vous. On sait tous que si on est au téléphone pendant qu’on conduit on va avoir une amende. Si je n’ai pas déclaré mes impôts à temps, je sais que je vais avoir 10 % de majoration. Il y a des tas de conséquences négatives dans la vie qui font que vous savez que si vous ne faites pas les choses de telle façon et bien vous aurez ceci ou cela. Si vous volez quelqu’un, vous savez que vous pouvez avoir une amende ou de la prison avec sursis ou de la prison tout court en fonction du délit que vous aurez commis. Donc les conséquences on les connaît d’avance. Voilà où je veux en venir. C’est-à-dire que dans la vie, on sait que si on fait ceci, il y a cela.
C’est ce qu’il faut faire avec les règles. Surtout quand vos enfants sont petits. Plus vous n’avez jamais mis vraiment de règles établies, et plus il va falloir anticiper et surtout choisir trois points sur lesquels vous aimeriez voir une amélioration. Et si vos enfants ont moins de 4 ans vous en faites un seul voir deux, et simples surtout. Il faut convoquer vos enfants et leur expliquer qu’à partir d’aujourd’hui vous n’accepterez plus telle ou telle chose. Encore une fois, attention d’adapter votre demande en fonction de l’âge de vos enfants. Il y a des choses qu’on ne peut pas demander à un enfant de 2 ans. Donc il faut aussi revoir un petit peu ses exigences et être quand même très informé de ce qu’il est possible ou pas d’attendre d’un enfant par rapport à son évolution et l’âge qu’il a.
Deuxième chose il faut aussi se poser la question suivante: est-ce que je ne suis pas trop strict ou trop rigide? Est-ce que c’est vraiment si important? Parce que si vous commencez à mettre des règles un peu partout, vous devenez un tyran. Et même si c’est bien fait, qu’il y a des conséquences négatives, votre enfant va se sentir comme dans un carcan, en manque de liberté. En fait, il y a deux conséquences à l’enfant roi: soit il y a trop de règles et c’est trop strict, soit il n’y en a pas assez et c’est trop libre ou sans limites, sans choses bien établies. Ces deux facteurs là fabriquent un enfant roi dans un cas et un enfant tyran dans l’autre cas. Donc l’un et l’autre ne sont pas mieux.
Donc on choisit une ou deux choses qu’on ne veut plus voir se reproduire et on établit une règle et une conséquence et on la donne en avance à nos enfants. Imaginez-vous si demain, alors que vous n’avez pas déclaré vos impôts, vous recevez un papier de l’administration vous disant qu’on vous saisit votre voiture ou votre maison. Vous allez trouver cette mesure injuste parce que vous n’avez pas été prévenu, qu’on ne vous a pas envoyé une lettre de relance, etc. Donc je dis à ce papa qu’il faut le réfléchir en amont. Parce que si on envoie sa conséquence comme ça au nez des enfants alors qu’ils ne savaient pas que s’ils faisaient ça il y aurait ça, et bien ils vont rester sur l’injustice et plus du tout dans la responsabilisation. Je reprends mon exemple de la déclaration d’impôts en retard. Vous savez que vous êtes dans votre tort et vous n’en voudrez jamais à l’état de vous majorer de 10 %. Vous n’allez pas être content évidemment, vous allez pester par rapport à ça, mais à qui allez-vous en vouloir à vous! Et donc ça va vous donner une leçon, et peut-être que la prochaine fois vous allez réfléchir à deux fois avant de laisser passer le temps. Mais si en plus des 10% l’Etat vous envoie aussi un huissier pour la saisie de la maison, vous allez en vouloir à l’Etat et rester sur l’injustice de la situation. Et bien dites-vous que vos enfants, au cerveau en plus immature, vont rester sur l’injustice. Donc ça n’a aucune vertu éducative. Et c’est pour ça et en ça que les punitions sont inefficaces. Parce que ça ne permet pas à l’enfant de prendre du recul, de se responsabiliser et de se dire ah oui, c’est vrai, je savais que si je faisais ça alors il y aurait ça. Et c’est comme ça qu’on arrive à poser des conséquences de manière plus efficace. Donc oui les conséquences négatives se décident en amont.
Alors bien sûr, oui, il y aura toujours des choses qui vont arriver que vous n’aurez pas prévues. Dans ces cas-là, vous pouvez dire à votre enfant par exemple: “écoute ça fait trois fois que tu te lèves; si tu quittes la table alors je considérerais que tu n’as plus faim”. On lui permet donc de décider s’il se relève ou s’il reste assis et on lui donne vraiment la conséquence: “donc si tu n’as plus faim, ça veut dire que je je ne te donnerai plus rien à manger et que tu iras te coucher avec le ventre à moitié vide ou vide”. Et on s’y tient évidemment, on est congruent, et surtout on ne change pas de position. Parce que parfois on peut regretter en se disant que ne n’est peut-être pas adapté. On peut changer après dans une discussion dans le calme en disant que dorénavant quand il se passera ça et bien ce sera ça. Mais quand on est sous le coup de la colère, c’est là où on veut punir en fait. On veut blesser, on veut asseoir son autorité, et les enfants ne sont pas dupes. En fait, ils se rendent bien compte quand c’est juste et quand c’est une envie de se soulager. Et comme on a l’autorité et qu’on peut en user, et bien on va en user et même en abuser. Et c’est là où ça ne va pas parce que il n’y a pas d’équilibre. Même si elle va être douloureuse pour l’enfant, une conséquence négative va porter ses fruits. Je vais vous donner un exemple. Je me souviens que ma fille devait aller à une soirée et je lui avais demandé de faire ses devoirs avant. Évidemment elle n’a rien fait, elle a voulu sortir l’après-midi en me disant “je vais avec les copines mais tu verras j’aurai le temps avant la soirée”. Et puis elle s’était préparée, elle était toute pomponnée. Et quand je lui ai demandé si elle avait fait ses devoirs, elle m’a répondu “euh pas vraiment, je n’ai pas tout fini mais bon, j’aurai le temps demain”. J’ai alors dit “on s’était mis d’accord: tu n’allais à ta soirée que si tu avais fait tes devoirs; demain tu vas être fatiguée, on va chez Mamie dimanche après-midi, on va rentrer tard et ça sera foutu”. Elle n’est pas allée à sa soirée, elle a pleuré toute la nuit. Je me souviens encore d’avoir eu le cœur serré en me demandant si je n’étais pas trop dure mais j’ai tenu bon. Et ça n’est plus jamais arrivé évidemment. En fait, ce que fait une conséquence négative c’est qu’elle crée de la souffrance, et c’est vrai pour vous aussi. Regardez: on s’est tous fait avoir avec une ceinture de sécurité pas mise; et bien la fois suivante on la met, parce qu’on préférait mettre l’argent de l’amende ailleurs. Et il y a plein d’exemples comme ça que je pourrais vous donner de comportements que vous avez eu qui ont eu une conséquence négative pour vous. Or la plupart des parents ont des conséquences négatives pour eux. Par exemple, l’enfant va mettre le bazar dans sa chambre. Les parents ne sont pas contents, il râlent et il rangent. Résultat, il n’y a que des conséquences négatives pour les parents. Non seulement ils ont dû tout ranger, passer un temps fou, etc., et si on n’a pas mis une conséquence négative pour les enfants, quelle leçon retiennent-ils? On se dit “oui mais comme je lui ai crié dessus et que je n’étais pas content ça va suffire”. Et bien non. Sur l’instant, l’enfant n’est pas heureux de se faire rabrouer, gronder, etc., il n’est pas satisfait de voir ce que provoque chez vous des jouets qui traînent par terre. Mais il n’y a aucune leçon derrière. Parce qu’il n’y a aucune conséquence négative de fixée.
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