Perdre un être cher
Nous sommes tous confrontés à la mort. Cette vérité, tellement dure à entendre, recèle au fond d’elle une beauté que nous sommes nombreux à ignorer. À travers une expérience personnelle bouleversante, la mort de mon père, j’aimerais partager avec vous ce que le processus de deuil m’a appris. D’une telle expérience, nous pouvons tous sortir grandis, et reconnaissants de la vie qu’il nous reste à mener.
Du refus de la mort d’un être aimé…
Mon père était un homme véritablement bon. Un mari fidèle et imparfait (comme nous le sommes tous), un père qui a fait comme il pouvait et qui, je le sais m’a aimé, et un grand-père tendre et touchant. Son existence à nos côtés me semblait une évidence indiscutable. Je ne mesurais pas ma chance… Mais un jour de 1997, le diagnostic est tombé. Les médecins ne lui donnaient plus qu’entre trois et six mois à vivre.
Comme souvent dans le processus de deuil, ma première réaction a été le refus. Face à l’évidence, je gardais dans mon cœur l’espoir d’une rémission. Mon père était encore si jeune, et ma fille l’avait à peine connu. Il était impossible qu’il parte aussi vite. Pas maintenant, pas comme cela.
On est jamais véritablement prêt, même lorsque l’on sait. Pourtant, la réalité finit toujours par nous rattraper. Malgré mon refus, malgré ma colère, malgré ma tristesse, les médecins ne s’étaient pas trompés. Ma mère et moi ne pouvions que constater que son état empirait rapidement, mon père n’avait plus que la peau sur les os. La douleur se portait sur son visage endormi. Sa peau jaunâtre, ses cernes, ses escarres me bouleversaient profondément.
Face à cet abominable spectacle, maman décida de le ramener à la maison, pour qu’il vive ses derniers jours un peu moins péniblement. Mais une fois revenu chez lui, il sombra rapidement dans un coma profond. En le voyant ainsi endormi, une tristesse et une colère terribles m’habitaient. Le voir dans un tel état me rendait littéralement malade. Je ne pouvais pas trouver d’échappatoire à ma souffrance.
… à l’acceptation totale et à la gratitude
Puis un jour, j’eus une intuition. Il fallait que j’autorise mon père à s’en aller. Je compris soudain que je préférais le voir partir et me priver de sa présence physique pour toujours que le voir dans cet état indéfiniment. Ce simple changement de perspective a ouvert en moi tout un champ de l’existence que je ne soupçonnais pas.
Une fois seule avec lui, j’ai enfin pu accepter totalement sa mort, et lui dire tout ce qui comptait réellement. Je lui ai dit : « Papa, je t’aime. J’aurais aimé que tu restes encore un peu. Mais j’ai réalisé à quel point j’étais égoïste de vouloir te garder. Il est temps pour toi de partir, d’en finir avec la souffrance. Pars en paix. Tu resteras dans nos cœurs pour toujours. Ne t’inquiète pas pour nous. »
Le lendemain, le téléphone a sonné. Je savais bien ce que cela signifiait. Mais la colère avait fait place au soulagement et à l’acceptation. Je savais désormais que là où il allait il veillerait sur moi. Et si je ne pouvais plus le voir avec mes yeux, je pouvais toujours le porter dans mon cœur.
Bien sûr, la nostalgie et la tristesse sont venues, et viennent encore par vagues me rappeler à quel point mon père comptait pour moi. Il a surtout été difficile de voir ma fille si jeune souffrir de cette disparition.
Mais dans l’acceptation, nos larmes lavent nos blessures et les aident à cicatriser. La tristesse est naturelle. Une fois acceptée, elle fait vite place à la reconnaissance et à la joie d’avoir pu aimer réellement quelqu’un. Le dernier cadeau que l’on puisse faire aux êtres que nous avons aimés, c’est de cultiver notre bonheur, et de repenser à eux le sourire aux lèvres.
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