Le pardon

Le pardon est une de ces aptitudes qui font toute la richesse et la profondeur de l’humanité. Ce cheminement complexe mérite toute notre attention dans une société où la vengeance est acceptée, et même parfois encouragée. Comprendre le pardon et apprendre à pardonner est un travail de longue haleine. Loin d’être une marque de faiblesse et de manque de caractère, le véritable pardon demande courage, et intelligence pour être mis en œuvre. Mais le jeu en vaut toujours la chandelle.

Pardonner : un aveu de faiblesse ?

Malgré l’héritage judéo-chrétien de notre civilisation, le pardon est une habileté rarement mise en avant à notre époque. Le culte de la vengeance et la figure du justicier sont des thématiques récurrentes que l’on retrouve partout, des films hollywoodiens à la littérature en passant par les émissions de télé-réalité. Centraux dans un grand nombre d’histoires populaires, ces idéaux ont façonné notre imaginaire via mythologies et autres contes au fil des siècles.

Les clefs de votre passé

En toute logique, le pardon peut sonner de prime abord comme un aveu de faiblesse, comme la réponse d’une personne blessée, mais incapable de se défendre ou de se venger. Associer pardon et lâcheté est habituel pour bon nombre d’entre nous.

La vengeance serait la seule réponse digne d’une personne forte et sûre de son droit. Ce serait également la seule manière d’expier véritablement la souffrance endurée et de repartir du bon pied. Pour être respecté et se respecter soi-même, une seule alternative : savoir rendre coup pour coup et affront pour affront.

Le pardon, un processus complexe

Le pardon va rarement de soi et n’est jamais une solution de facilité, contrairement à ce que sous-entend l’imaginaire populaire. On le sait tous au fond, la réponse la plus automatique à l’affront est bien plutôt la haine et le désir de vengeance.

Envisager le pardon après avoir été blessé au plus profond de soi n’est jamais automatique.
Il existe des excuses ordinaires bien sûr, que l’on accorde sans trop y penser, à la minute même où une offense a été proférée. Mais le pardon véritable est très difficile. Lui seul demande un retour sur soi, sur l’autre, et sur son expérience. Excuser qu’on nous marche sur le pied dans le métro est relativement simple… mais comment pardonner à un parent abusif, à un ami qui nous a trahis, à un conjoint adultère ? Cela est-il vraiment une solution de facilité ?

C’est évident : pour être mis en œuvre, le pardon exige une grande dose de recul, de sagesse, et de connaissance de soi et de l’autre. Envisager le pardon après avoir été blessé au plus profond de soi n’est jamais automatique. Entrer dans le processus du pardon repose toujours sur un choix délibéré, fait en toute conscience. On s’éloigne du conditionnement et de la réaction instinctive pour reprendre le contrôle de son existence.

Le processus de pardon est complexe. Il demande temps et force de caractère. Mais lui seul est en mesure de rompre la chaîne de la violence et de la souffrance.

Vengeance et souffrance, compréhension et pardon

Si le pardon n’est ni automatique, ni simple, ni mis en avant par la société, on comprend maintenant pourquoi il est si rarement pratiqué ! Ce n’est en effet qu’en prenant le temps de s’interroger sur le fondement du pardon, ainsi que sur l’humanité de la personne qui nous a blessés que l’on peut prendre le choix délibéré de pardonner.

Chercher les causes de la mauvaise action d’autrui, c’est l’inscire dans une humanité que nous partageons tous deux.
Il faut pour cela avoir le courage d’examiner son envie de vengeance, et reconnaître ses automatismes et leurs conséquences. Toutes ces émotions sont naturelles et méritent d’être acceptées et reconnues. Mais en les regardant avec bienveillance, on constate rapidement que le ressentiment ne peut engendrer que souffrance et asservissement.

Alors que la rancœur réactualise sans cesse une souffrance passée, seul le pardon nous met en condition de tirer un trait sur un affront. Et bien évidemment, trouver le courage de pardonner à l’autre, c’est également se donner les moyens de chercher à le comprendre réellement et d’en faire notre égal. Chercher les causes de la mauvaise action d’autrui, c’est l’inscrire dans une humanité que nous partageons tous deux.

Alors oui, cela est difficile. Mais c’est la seule posture capable de nous sortir d’une souffrance autoalimentée et d’une solitude insupportable. Car oui, le pardon n’est jamais un cadeau que nous faisons à l’autre, mais à soi-même, pour nous libérer de la souffrance, mais également pour mettre un terme à la haine et à la rancune qui finissent toujours par se retourner contre soi.

Apprendre en pardonnant

En prenant le recul nécessaire à la sortie de la souffrance, on constate que pardonner à l’autre, c’est aussi se donner les moyens de se pardonner à soi-même et de prendre un nouveau départ.

On pardonne parce qu’on a pris le temps de comprendre l’autre… mais aussi parce qu’on se juge enfin digne de retrouver une paix intérieure.

Le sentiment de culpabilité peut en effet être un frein au pardon. En se sentant responsable d’une situation passée, on se donne l’illusion d’un certain contrôle sur sa vie et ses souffrances. Mais à quel prix ?

Le ressentiment au contraire nous asservit et nous ferme à l’autre et à nous-mêmes.
Attention, pardonner, ce n’est ni oublier ni banaliser ce que l’on a subi et encore moins le cautionner ou justifier les actes qui ont été commis. C’est simplement se donner les moyens de se libérer du passé afin de ne plus souffrir. Le recul qu’exige le pardon permet de mesurer la souffrance endurée. Celui qui pardonne l’a compris, on n’efface pas le passé. Il est tout bonnement inutile de chercher à faire disparaître l’offense en tombant dans la violence. On ne peut pardonner qu’en acceptant pleinement et en comprenant véritablement son expérience.

Entrer dans la voie du pardon est également l’occasion d’en apprendre un peu plus sur la vie et la condition humaine. En prenant le temps de comprendre l’autre, on explore ses propres idéaux tout en les confrontant à la réalité. Le pardon est l’unique moyen d’accepter l’humain tel qu’il est… Non pas pour devenir un être désabusé et cynique, mais au contraire pour aimer les choses telles qu’elles sont et réapprendre à cultiver sa joie de vivre et à la partager au présent.

Notre lourd héritage chrétien n’y change pas grand-chose… nous vivons dans une société de vengeance, et non de pardon. Mais qu’on ne s’y trompe pas, loin d’être la solution de facilité qu’on imagine parfois, le pardon est au contraire une réponse qui exige courage, travail et intelligence. Surtout, pardonner est l’unique moyen de faire cesser une souffrance passée et de reprendre confiance en la vie. En ayant retrouvé sa lucidité, on apprécie enfin l’autre et la vie pour ce qu’ils sont réellement… et non plus pour ce qu’ils devraient être.

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